Brice Laccruche Alihanga homme de l’année 2019 au Gabon (rétrospective)

Dernier acte officiel d’amour entre Brice Laccruche Alihanga et Ali Bongo en novembre 2019 © PCP

Pour ses nombreux fans, c’est l’homme qui a sauvé le pays au moment où le président Ali Bongo Ondimba était foudroyé par un AVC en Arabie Saoudite en octobre 2018. Ses détracteurs, au contraire, le considèrent plutôt comme un profito-situationniste qui a abusé de la confiance du président de la République. Ce portrait ambigu est celui de Brice Laccruche Alihanga, l’homme qui a atteint son apogée et sa chute en 2019.

Ce clair-obscur illustre parfaitement la brusque montée en puissance, les petites frasques et la brutale chute de Brice Laccruche Alihanga dit BLA, le plus grand recordman de l’année 2019, selon la rédaction de Gabonactu.com

« Un jour un destin », dit-on. BLA est l’emblématique preuve de cette sagesse. Parfait inconnu lorsqu’Ali Bongo est arrivé au pouvoir en 2009, ce jeune métis a su surfer sur la grosse vague de 2016 pour se propulser.

Tout part de 2016. Ali Bongo brigue un second septennat. L’opposition est vent debout et lui déni le droit de se représenter sous le prétexte qu’il n’a pas un acte de naissance valable. Le combat est porté par un proche de la famille : Jean Ping.

Tous les caciques brimés durant le premier septennat s’associent à la bataille de Jean Ping dont le slogan en sourdine est « tout sauf Bongo ».

Les soutiens du président candidat sont moins nombreux qu’en 2009. Le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir), une vielle machine à gagner les élections est aussi affaiblie par le départ de certains cadres.

Ali Bongo s’appuie sur la jeunesse dont il a assuré la promotion durant son premier septennat. Brice Laccruche Alihanga met ses derniers moyens dans son mouvement créé dans la foulée : l’Association des Jeunes Volontaires Emergents (AJEV). Il déploie des banderoles et des groupes de jeunes à chaque sortie du président candidat. Lui-même se fait remarquer par son dévouement à l’émergence, vision du Gabon impulsée par Ali Bongo.

Début de l’ascension

Ali Bongo remporte le scrutin de 2016. Sa victoire est, cependant, très violement contestée par son principal challenger Jean Ping. La crise poste électorale de 2016 doublée d’intrigues au cœur du pouvoir oblige Ali Bongo d’écarter quelques fidèles. Le 25 août 2017, Brice Laccruche Alihanga est nommé Directeur de cabinet du président de la République. Il remplace Martin Boguikouma.

Tout nouveau, tout beau, BLA est dans les bonnes grâce du président. On le voit visiter le port, convoquer des réunions avec des douaniers, donner le tempo dans la conduite de certaines affaires publiques. Ali Bongo croit avoir dénicher la perle rare pour impulser le développement du pays. La proximité du nouveau DCPR avec la Première dame Sylvia Bongo Ondimba accroit son influence.

Brice Lacruche Alihanga, Directeur de cabinet du chef de l'Etat gabonais
Brice Lacruche Alihanga, le 5 octobre 2019 alors puissant Directeur de cabinet du chef de l’Etat gabonais © DR

Un an plus tard. Le président Ali Bongo est hospitalisé en Arabie Saoudite. Les informations officielles sont rares. Les rumeurs d’un coup d’Etat circulent dans le pays. L’inquiétude monte. Une interdiction de sortie du territoire frappe tous les dirigeants, y compris BLA qui veut coûte que coûte se rendre au chevet du président. Le niet du gouvernement dirigé par Emmanuel Issozé Ngondet est catégorique.

Le ciel s’éclaircit lorsqu’Ali Bongo est transféré à Rabat au Maroc pour la suite de sa convalescence. Les délégations se relaient à Rabat. Le président va mieux.

Règlement des comptes

Pendant la convalescence du président, BLA jouit des pouvoirs assez large, sinon très larges voire XXL. Sa main « noire » est soupçonnée dans certaines décisions comme le limogeage du Premier ministre Emmanuel Issozé Ngondet, du ministre de la Défense Etienne Massard, de son collègue de l’Intérieur Lambert Noël Matha et de plusieurs ayatollahs de la sécurité du président à l’exemple de Maître Park. Ce beau monde aurait payé pour avoir empêché BLA de se rendre à Ryad au chevet du président.

La purge se poursuit jusque dans l’administration centrale. Des Ajeviens sont promus à des postes clefs. Quasiment partout où il y a l’argent. L’AJEV prend de l’ascendance sur le PDG. Aux élections couplées d’octobre 2018, certains candidats du PDG sont laminés par des Ajeviens dont les deux partis satellites sont RV et SDG.

La gloire et la fin

Au début de l’été 2019, BLA concentre quasiment tous les leviers du pouvoir entre ses mains. L’argent, la puissance de feu et l’administration publique. Celui que l’opposition accuse de diriger le pays par procuration se lance dans une démonstration de force. Il engage une tournée républicaine dans les neuf provinces du pays pour « porter un message du chef de l’Etat ». Loin d’enthousiasmer, il agace. Il pousse plus loin le culot lors de la clôture de sa tournée au stade de Nzeng Ayong le 5 octobre. Ce jour-là, il lance le fameux slogan « Celui qui boude, bouge ». Les badauds qui répondent en face sont tous de bleu vêtus. La couleur du PDG c’est plutôt le blanc. Les sécurocrates du régime décryptent le message.

Brice Laccruche Alihanga, Directeur de c abinet du chef de l'Etat
Brice Laccruche Alihanga, Directeur de c abinet du chef de l’Etat à l’époque © DR

Pire, l’administration envoie un court petit message aux compagnies pétrolières annonçant la fin du mécanisme de vente des parts du pétrole gabonais par elles. Le Gabon veut désormais ses parts de barils qu’il doit se débrouiller à vendre par ses soins.

Les sécurocrates reniflent un autre coup tordu des Ajeviens soupçonnés de vouloir trop s’enrichir sans que l’on sache pourquoi. Fin novembre, une note circulaire du ministre du Pétrole annonce l’annulation de la décision. Trop tard. Le mal est déjà fait.

Comme par surprise, Brice Laccruche Alihanga est brutalement descendu de son piédestal le 7 novembre. Commence alors sa lente mais rapide descente aux enfers. Comme un roi déchu, il a douloureusement vécu la traque puis l’incarcération de ses fidèles avant de passer lui-même à la « guillotine ».

A 39 ans ce métis formé à l’Institut de l’économie et des finances (IEF) de Libreville avant de faire carrière à BGFIbank puis à la CNII, la compagnie nationale pour la navigation intérieure médite désormais dans la maison d’arrêt. Il se remémore probablement ses fastes, ses rêves et les petites courbettes dont il a bénéficié durant ses courts moments de gloire.

Daniel Etienne

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